Stratégie d’entreprise: entre “fit” et “stretch”, quelle approche choisir?

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Hamel et Prahalad ont été des pionniers pour préciser deux démarches fondamentalement différentes servant à formuler la stratégie d’une entreprise.

La première démarche est appelée la formulation de stratégie par le “fit” (ajustement). Il s’agit d’identifier et de profiter des opportunités qui émergent de l’environnement commercial (marché, clients). Cette démarche implique la mise en place d’actions de recherche marketing pour identifier des besoins (parfois latents) chez les consommateurs. C’est la raison principale des nombreuses études marketing lancées par des entreprises qui cherchent des marchés, des segments ou au moins des niches non encore exploitées. La philosophie de cette démarche se résume à dire “pour savoir ce qu’il faut vendre, il faut le demander aux clients”.

La deuxième démarche est appelé la formulation de stratégie par le “stretch” (l’extension, l’intensification). Dans ce cas, l’équipe de management identifie et développe les compétences et les ressources stratégiques de l’organisation pour ouvrir des marchés nouveaux et développer un avantage concurrentiel. La philosophie de cette démarche se résume à dire “faire mieux ce que l’on fait bien pour avoir du succès”. Un exemple de cette démarche est Apple qui a su identifier, combiner et accroître ses compétences dans les domaines du design, du logiciel et de la micro-technique pour créer l’iPhone. En effet, il eut été bien inutile d’approcher le grand public en demandant: quels sont vos besoins pour communiquer? Il est certain que personne n’aurait répondu “j’ai besoin d’un appareil qui entre dans ma poche et qui dispose d’un large écran pour accéder à des applications spécialisées sans avoir besoin de clavier”.

 

Tableau récapitulatif

Aspect de la stratégie “Fit” dans l’environnement “Stretch” des compétences et ressources
Base de la stratégie Un adaptation des ressources aux opportunités offertes par le marché. Un développement des compétences et ressources pour créer de la valeur.
Source de l’avantage compétitif Un positionnement “correct”. Une différentiation en fonction des besoins du marché Une différentiation basée sur les compétences et ressources qui sont développées pour créer des besoins
Critère de survie pour les petites PME Identifier et défendre une niche Changer les “règles du jeu”
Une réduction du risque par… Un portefeuille de produits Un portefeuille de compétences
Un investissement axé sur… Les produits. Les compétences stratégiques (“core competencies”)

Quelle approche choisir?

La bonne approche dépend avant tout de la vision du management et du marché dans lequel l’entreprise se positionne. De manière générale, la stratégie par “stretch” est certainement plus adaptée aux entreprise à forte vocation d’innovation produit et dans un contexte de marché à forte croissance. Au contraire, la stratégie par “fit” paraît plus propice dans des marchés arrivés à maturité, qui ont une faible croissance et dans lesquels il y a une émergence de niches de plus en plus petites. Dans ce cas, l’entreprise peut se démarquer surtout au niveau des processus de production, du marketing, de la vente ainsi que les services qui se greffent sur le produit de base.

Reste la possibilité de combiner les deux approches. A l’image d’une course d’orientation dans laquelle il faut d’une part bien savoir s’orienter (le fit) et d’autre part utiliser à fond ses compétences et avantages spécifiques (le stretch) pour gagner.

S’en donner les moyens

Quelque soit l’approche choisie, l’entreprise doit se doter des moyens nécessaires pour conduire une réflexion stratégique consistante et cohérente. A l’image du coureur qui applique une méthode d’entraînement, l’entreprise doit appliquer une méthode pour:

  • développer son sens de l’orientation sur les marchés visés;
  • identifier et développer ses compétences clés et celles disponibles dans son réseau de fournisseurs et partenaires.

Ainsi les questions cruciales que doivent se poser le top management sont:

  • Est-ce qu’un processus formel est en place pour évaluer notre position dans l’environnement, nos compétences et nos ressources?
  • Avons-nous un regard objectif sur cet environnement, nos compétences et ressources ou sommes-nous “prisonniers” d’idées qui prévalent depuis de longues années?

Si ces questions restent sans réponse, c’est qu’il existe un potentiel d’amélioration de l’analyse stratégique dans l’entreprise.

Des perceptions différentes

Sans un processus d’analyse et de formulation de la stratégie, le danger est grand que des tensions internes naissent entre les différents acteurs influents de l’entreprise causé par des perceptions différentes. Voici un exemple type:

  • Le directeur technique argumente qu’il faut développer des produits de plus en plus sophistiqués en faisant valoir le savoir-faire technique de l’entreprise (stretch). Il demande par conséquence les coudées franches: le département marketing est prié de ne pas (trop) influencer les développements futurs.
  • Le directeur marketing, fort de son contact avec les clients dit “voilà ce que veut le marché, tout le reste est une perte de temps” (fit). Il demande ainsi que le département technique privilégie les développements qui répondent aux exigences formulées par les clients et non pas des idées innovantes qui sont ni demandées par les clients ni disponibles chez la concurrence.

Un changement de paradigme est-il nécessaire?

Dans l’ère de la production en masse, les entreprises produisaient des produits identiques, dans un environnement stable et pour un marché clairement identifié. Dans ces conditions, elles ont beaucoup gagné à aligner leurs ressources sur les besoins du marché. Dans l’ère numérique, caractérisée par des produits sur mesure, une environnement turbulent et des marchés fragmentés, les entreprises n’ont-elles pas intérêt à privilégier l’approche “stretch”?

En effet, il devient de plus en plus dangereux de se fier au marché présent pour effectuer des décisions stratégiques à long terme. Au contraire, dans un environnement qui a le changement comme seule constante, il peut être plus intelligent d’axer sa stratégie sur le développement des compétences qui donneront naissance aux produits futurs – sans forcément savoir aujourd’hui de quoi ils auront l’air.

Joel Tendon | Systemic Consulting | http://www.systemic.ch

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